L’être humain, carrefour d’énergies

5èmes Assises Pastorales Européennes

Le tissu complexe des énergies
Dans tous les domaines de la vie quotidienne, le mot « énergie » paraît aujourd’hui s’imposer. Il est question, d’abord, de s’assurer des sources d’énergie (sans elles, nos sociétés seraient paralysées), de les utiliser de manière rationnelle et, nous y devenons plus attentifs, de réduire les pollutions qu’elles produisent. Mais – il suffit d’observer le langage de la publicité – les « énergies » semblent régner en maître dans bien d’autres registres : performance sportive, rendement professionnel, santé, équilibre psychique ou émotif… Alors que les Occidentaux de l’ère industrielle s’appliquaient à gérer rationnellement la nature et la matière, nous essayons de reconnaître à tâtons des échanges plus complexes et souvent plus intimes entre notre environnement, notre corps et divers niveaux du psychisme, de l’affectivité et de l’esprit.
Dans ce mouvement de (re)découverte, dans les quêtes de guérison et d’harmonie, bien des messages et des représentations du monde qui parviennent jusqu’à nous sont véhiculés par les civilisations et les spiritualités de l’Inde et de l’Extrême-Orient. Que l’être humain soit un carrefour d’énergies, c’est ce que nous enseignent, pêle-mêle, le yoga, les traditions médicales chinoises, les arts martiaux, mais aussi les philosophies et les pratiques spirituelles transmises par d’innombrales écoles se rattachant notamment à l’hindouisme, au bouddhisme, au taoïsme.

Se rencontrer pour faire le point
Comment les Occidentaux perçoivent-ils et comprennent-ils ces enseignements ? À quelles conditions peuvent-ils les intégrer et en recevoir les bienfaits ? Et comment des chrétiens – en particulier des chrétiens européens – peuvent-ils s’orienter dans ce labyrinthe, déjouer la tentation de pouvoirs illusoires, recueillir des leçons de sagesse ? Tel était le programme des 5es « Assises Pastorales Européennnes » qui se tinrent à Bruxelles du 12 au 15 novembre dernier. Organisées par les « Voies de l’Orient » avec la collaboration d’une équipe internationale regroupant des chrétiens de plusieurs Églises, elles rassemblèrent environ 70 personnes provenant d’une douzaine de pays. Tous ces participants avaient, d’une manière ou d’une autre, une certaine connaissance des traditions spirituelles de l’Orient et une expérience pratique de contacts et de rencontres avec des personnes ou des communautés qui en vivent.

Apports asiatiques et lumières de l’évangile
Le déroulement de la session permit d’abord de se familiariser davantage avec certaines dimensions de ces apports asiatiques : l’apprentissage d’un art martial enseigne-t-il à gérer ses pulsions et canaliser la violence ? comment les formes de méditation caractéristiques du bouddhisme Theravâda ou Zen associent-elles non-attachement et développement de la conscience vigilante ? les traditions tantriques permettent-elles à la fois d’éveiller les énergies et de les maîtriser ? quel est l’apport propre des voies de la dévotion confiante (bhakti) ? Et, de manière transversale, quel regard la psychanalyse porte-t-elle sur les énergies de mort et les énergies de vie à l’œuvre en chacun de nous ?
La rencontre de ces traditions venues de l’Orient renvoie les chrétiens à leurs propres ressources : ce fut l’occasion d’un regard renouvelé sur les textes de sagesse de la Bible ainsi que d’une méditation, inspirée de Pères de l’Eglise, sur le thème du Christ danseur. Enfin, deux conférenciers orthodoxes proposèrent, dans la lumière de la Transfiguration, une réflexion théologique et spirituelle sur les énergies divines incréées et sur la manière dont les chrétiens peuvent déployer dans la société la dynamique d’énergies de résurrection.

Un réseau de partage et de réflexion
Des échanges en petits groupes, des ateliers autour d’expériences particulièrees ainsi que des temps de méditation silencieuse ou de célébration permirent d’approfondir la réflexion et d’intérioriser la démarche. Ce fut aussi l’occasion de retrouvailles ou de rencontres nouvelles : ainsi se construit patiemment, dans un esprit de dialogue et de partage d’expériences, un réseau informel de chrétiens européens soucieux de vivre et de réfléchir la rencontre entre l’évangile et les patrimoines spirituels originaires de l’Asie.

Jacques SCHEUER