Éditorial Octobre 2021

 

Au 16e siècle, peu avant l’arrivée des premiers européens au Japon, des maitres de thé codifièrent le déroulement de la cérémonie du thé dans un jardin et un pavillon réservés à cet effet. Les relations entre missionnaires chrétiens et bouddhistes japonais furent souvent marquées par une certaine hostilité et aboutirent à des décrets de bannissement de la religion étrangère et d’expulsion des missionnaires. Parmi ceux-ci cependant, quelques-uns apprécièrent le cadre paisible et harmonieux des pavillons de thé, leur atmosphère recueillie propice aux rencontres en esprit d’hospitalité et d’échange, et perçurent quelque chose du lien entre la pratique du thé et l’esprit du bouddhisme zen. Quelques-uns des premiers chrétiens japonais figurent parmi les maitres de thé de cette époque.

 

Moine de l’Ordre de Ramakrishna, le swami Veetamohananda fut durant un quart de siècle l’animateur du Centre Védantique de Gretz, près de Paris. Accueillant à l’égard de tous, il prenait aussi volontiers part à des rencontres interreligieuses. Deux ans après sa disparition (le 7 novembre 2019), nous saluons sa mémoire en reprenant une interview à propos de l’expérience spirituelle. Celle-ci exige « une longue période de luttes, de discipline et de purification » : nous avons en effet à nous « libérer de toutes sortes de conditions, de limitations et de contractions ». Cependant la grâce est « toujours là » : à nous d’y répondre par un désir intense et l’ouverture du cœur. Retenons enfin un signe de l’expérience authentique : « L’indice d’un moi éveillé est le souci d’autrui ».

 

C’est probablement dans le bouddhisme que le silence est pratiqué de la manière la plus radicale. La question est dès lors posée : cette radicalité serait-elle inacceptable pour le chrétien qui définit volontiers la prière comme dialogue avec Dieu ? À la lumière de sa longue expérience japonaise, Henri Huysegoms repère, dans la tradition spirituelle chrétienne, un filon de silence radical. Du Nuage d’inconnaissance et de Maitre Eckhart à Jean de la Croix, il met en relief une invitation à ce silence intérieur qui « n’apporte rien, mais change tout »[i].

Jacques SCHEUER

 

 

[i] C’est par erreur ou distraction que Raimon Panikkar est présenté comme jésuite. On ne prête qu’aux riches ?