Éditorial Juillet 2019

Dès qu’une religion ou une tradition spirituelle se transfère d’un monde culturel à un autre, se pose la question d’une adaptation plus ou moins poussée. Dans son histoire asiatique, le bouddhisme a plus d’une fois rencontré ce défi, ce qui donna lieu à des tâtonnements et parfois à d’âpres débats. Son implantation en Occident suscite de même recherches et débats. Pour sa part, Marc Horemans déplore une tendance fréquente à «copier à l’identique» les traditions propres à telle école ou telle région de l’Asie. Il plaide pour davantage de liberté créative. Ce serait un «retour à l’origine de la tradition, avec sa flexibilité et sa signification profonde».

Auteur d’ouvrages dans le champ de l’interreligieux, Paul Knitter montre que les principales traditions, notamment le bouddhisme et le christianisme, établissent un rapport étroit entre la relation à l’ultime ou au divin et l’amour ou la compassion pour autrui. Chacune à sa manière, elles invitent à une transformation: passer d’une attitude égocentrique à un élargissement du cœur et de notre compréhension du Réel. Sans ignorer les différences, on peut repérer ce qu’il appelle une non-dualité entre la sagesse ou connaissance et l’amour des êtres. Un bref essai d’un moine hindou lui apporte un éclairage complémentaire.

Il a déjà été question plus d’une fois, dans nos bulletins, du phénomène que, faute d’un meilleur terme, on appelle ‘double appartenance’. Bien que l’étiquette recouvre des situations et des expériences diverses, celles-ci soulèvent bien des interrogations dignes de notre attention. Nous sommes donc heureux de reprendre, avec l’aimable accord de la revue Spiritus, un dossier de quatre brefs textes. Loin de clore le débat, les quatre invités l’ouvrent plus largement mais avec le souci d’une parole à la fois modeste, nuancée et constructive.

Partant notamment de son expérience des rencontres interculturelles et interreligieuses dans le cadre des «Échanges spirituels Est-Ouest», Pierre de Béthune s’interroge sur la fraternité. Des proclamations rapides de fraternité universelle risquent d’être vides faute de reconnaitre les différences et l’étrangeté de l’autre. Offerte gratuitement, l’hospitalité respecte la différence. Si «le frère le plus proche reste, pour une part, un étranger, l’étranger le plus lointain est toujours, pour une part, un frère». L’hospitalité offerte – et plus encore l’hospitalité reçue – devient le chemin d’une authentique ‘fraternité originelle’.

Jacques Scheuer