Éditorial Octobre 2019

Les sciences – en particulier les sciences ‘dures’ telles que la physique – semblent bien n’avoir rien en commun avec la poésie ou la spiritualité. Astrophysicien d’origine vietnamienne, Trinh Xuan Thuan est bien conscient de ce que ces différentes approches possèdent leurs propres procédures : passer sans précautions des unes aux autres n’aboutirait qu’à des confusions souvent dénoncées comme concordisme. L’esprit humain cependant ne peut s’empêcher de s’interroger sur les rapports entre ce que nous font connaître ces multiples fenêtres : leurs perspectives divergent-elles ou convergent-elles ? Dans une interview à propos de son livre La plénitude du Vide, Trinh Xuan Thuan suggère quelques rapprochements avec le Vide enseigné par les sages taoïstes ainsi qu’avec les enseignements bouddhiques sur le Vacuité ou interdépendance de toutes les composantes de notre univers.

Ayant reçu le Sceau de la Transmission dans la tradition de l’école Soto Zen, Joshin Bachoux a ouvert en Ardèche un centre pour la pratique intensive de la méditation. Débusquer les illusions sur le monde qui nous entoure et surtout sur nous-même, lâcher prise face à nos points forts tout comme à nos points faibles, voilà un défi majeur sur la voie. Le danger serait de concevoir cela avant tout comme un travail sur soi, une entreprise solitaire et volontariste, alors que la relation à un enseignant et les rapports quotidiens à autrui sont précieux : ils nous tendent un miroir dans lequel nous pouvons nous découvrir, nous et nos illusions. La rigueur et l’exigence sont ici de mise mais la bienveillance (envers autrui, envers soi) doit aussi nous accompagner tout au long du chemin.

Si la vie quotidienne dans la société hindoue peut être lourde de contraintes, si la minutie et la sèche technicité de bien des rituels les réservent à des officiants embauchés et rétribués, mille formes plus libres et spontanées de dévotion, d’expérience intérieure et d’expression religieuse s’offrent à toutes les strates de la population. Que le divin soit désirable (bien qu’au-delà de tout désir), que la Divinité soit tantôt terrifiante tantôt séduisante, c’est ce qu’illustrent tant de pages de l’hindouisme classique : des hymnes du Veda aux dialogues des Upanishad, des confidences de Krishna dans la Gîtâ aux commentaires de Râmânuja. Les jeux du désir et de la séduction, à travers séparations et retrouvailles, sont aussi partout présents dans les langues régionales : au Cachemire, dans les chants de Lalla, amante de Śiva, à Bénarès, sur les lèvres du tisserand Kabîr, au Bengale, dans les poèmes douloureux et confiants de Râmprasâd.

Jacques Scheuer