Éditorial Avril 2020

Il y a quatre ans environ, disparaissait, plus que centenaire, Chatral Rinpoche
(1913-2015), un maitre du dzogchen réfugié au Népal. En Occident, bien des
lecteurs du moine trappiste américain Thomas Merton (1915-1968) le
connaissaient sans le connaître. Dans son Journal d’Asie, Merton évoque une
brève mais profonde rencontre avec Chatral. Quasi contemporains – Merton
cependant devait mourir accidentellement peu de temps après – les deux
hommes se reconnurent d’emblée dans leur quête de l’essentiel. Au point que
le Rinpoche, tout surpris de cette entente à demi-mots avec un chrétien, s’écria
non sans humour : « Il doit y avoir un problème quelque part ! » Pour évoquer
la figure de Chatral, voici la traduction française d’exhortations et
enseignements traditionnels adressés à ses disciples.
Psychiatre réputé, Larry Culliford a promu les recherches à l’interface de la
psychologie et de la spiritualité. Qui suis-je ? : cette question à multiples
facettes relève (aussi) de la spiritualité puisque celle-ci « met le fond de chaque
personne en contact avec l’universel ». L’auteur décrit quelques stades ou
étapes majeures de la croissance vers une maturité humaine et spirituelle :
conformisme, individualisme, intégration, universalité. Pour une part, Larry
Culliford illustre ce parcours par des moments de son propre itinéraire.
Il procède par petites touches concrètes et nuancées, sans ignorer les ‘lois’ de
la psychologie mais sans y réduire le cheminement intérieur.
Nous sommes particulièrement heureux et reconnaissants de pouvoir publier
un ensemble de lettres (1963 à 1973) adressées par Swâmi Abhishiktânanda
(dom Henri Le Saux) à une jeune étudiante autrichienne, Bettina Bäumer, qui
se préparait à vivre en Inde. Les commentaires et notes de cette dernière
permettent de bien comprendre les circonstances et surtout l’esprit de leur
approche de l’Inde hindoue. « La préparation essentielle à l’Inde est celle du
dedans. » « C’est au fond de l’âme que l’Inde se découvre et là seulement
qu’elle livre son secret. » Et encore : « Nous avons besoin d’éveilleurs ».
(La seconde partie de cette correspondance paraitra dans le prochain bulletin.)
Ce numéro 155 vous parvient alors que sévit l’épidémie (ou la pandémie) :
elle nous rappelle que notre monde est un, sans frontières, mais aussi que le
« chacun-pour-soi » est prompt à rétablir et multiplier les frontières…

Jacques SCHEUER